Activité E: L’expérience utilisateur et moi

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Qu’est-ce que c’est, l’expérience utilisateur?

Le terme “expérience utilisateur” est né au tournant du millénaire, avec la naissance de l’internet et du World Wide Web. Science relativement récente, si on peut l’appeler ainsi, elle fut introduite par Jesse James Garrett au début des années 2000 dans un diagramme fondateur, The Elements of User Experience, qui jeta les bases du design web et qui évoluera par la suite. Étant au départ une communauté assez restreinte, le domaine de l’expérience utilisateur, ou User experience (UX) dans son utilisation courante, est devenue une science importante dans le domaine des starts-up en technologie, spécialement dans le domaine des applications mobiles et du web. L’étude de l’expérience utilisateur consiste à étudier, évaluer et mesurer l’ensemble des comportements, émotions et perceptions qu’engendre l’utilisation d’un système ou d’un produit nommé. Cette étude a pour but d’améliorer l’expérience des utilisateurs et leur satisfaction face à cette plateforme en travaillant son convivialité, tout en créant une interface axée sur l’utilisateur (user-centered design).

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The Elements of User Experience par Jesse James Garrett

Historiquement composée de scientifiques qui travaillaient dans le domaine de l’informatique engagés par de grandes entreprises telles que IBM ou encore Xerox, cette spécialité est à la rencontre du design industriel et de l’ergonomie, intégrant même des notions de psychologie. La circulation des connaissances émanaient de grands centres de recherche universitaires, notamment du Palo Alto Research Center (PARC), un centre de recherche de Xerox à l’université de Stanford qui fut la source de beaucoup d’innovations technologies à la base de l’expérience utilisateur encore utilisées aujourd’hui, par exemple l’interface graphique du premier Apple Macintosh ou d’un logiciel de traitement de texte WYSIWYG. C’est à ce moment que le domaine a pris de l’expansion de manière exponentielle, quittant les centres de recherches plutôt secrets vers le grand public, grâce à une diffusion de l’information aidée par la création du web, l’amélioration de la technologie et de l’attention de la presse spécialisée à cette nouvelle discipline. La création d’une organisation professionnelle supportant ce domaine, soit la User Experience Professionals Association (UXPA) et l’instauration d’une conférence annuelle par cette dernière a jeté les bases du domaine et a grandement aidé sa croissance.

La situation actuelle: acteurs et structures de communication

Les principaux acteurs de ce milieu sont les principaux professionnels et intéressés qui gravitent autour du domaine. Leur besoin d’information relativement au sujet est principalement à titre de renseignement, d’inspiration ou encore pour approfondir leurs connaissances sur certaines problématiques. L’information diffusée sur le sujet peut être diffusée en trois grandes catégories:

  • Textes théoriques : Texte présentant des concepts propres à l’expérience utilisateur.
  • Étude de cas : Présentation d’un projet complet d’application ou de design web, de la conception à la présentation finale. Ce genre de texte inclut également des textes expliquant le concept et le raisonnement derrière les solutions présentées par rapport à une problématique de départ.
  • Exemples de projets, de type portfolio: Propose une ou plusieurs images d’un projet, fictif ou réel.

Les structures de communications du milieu furent d’abord traditionnelles et plutôt formelles, soit par la publication de recherche scientifique sur des exemples précis d’expérience utilisateur, ou encore des forums ou conférences sur le domaine. La création de programmes d’études sur le sujet et l’intégration graduelle de la matière à des cursus d’informatique et de design graphique ont également aidé à la croissance du domaine. Par la suite, la création de nombreux sites web par plusieurs professionnels du milieu a aidé à la circulation de l’information et à la multiplication des sources sur le sujet. La multiplication des sources fut accélérée par l’apparition de nouvelles plateformes de discussion et de présentation de projet, comme Behance ou Dribbble, et également par le fait que le domaine soit en vogue dans les dernières années. De nos jours, l’attention des principaux acteurs est principalement dirigée vers de nombreux réseaux sociaux plus traditionnels, comme Facebook ou Twitter, qui redirigent les utilisateurs vers des sites plus spécialisés et d’autres réseaux sociaux, dont ceux vus précédemment. Cependant, la propagation rapide a eu pour effet que la qualité de l’information diffusée a grandement diminué, contrairement au balbutiement du domaine. Le filtrage est plus ou moins présent, et se fait plutôt par le réseau ou la popularité que par les plateformes, ce qui n’a pas aidé à la qualité également. Cela est particulièrement pour les présentations de portfolio, où le beau est souvent beaucoup plus populaire que le contenu réfléchi. L’explosion des sources d’informations fait que les structures actuellement utilisées sont maintenant plus informelles, prenant la forme de conseils et présentation de designers à leurs collègues, de même niveau. Leur pérennité passe la continuité de la culture de participation et de communauté qui teinte le domaine. L’accélération des technologies utilisées dans le domaine fait que l’adaptation rapide des acteurs à ces dernières fait que de pouvoir compter sur des collègues est particulièrement rassurant. C’est ce qui transparait dans les tendances actuelles.

Les tendances actuelles

Actuellement, les tendances sont principalement tournées vers des nouveaux types de réseaux sociaux. Medium, un réseau social de publication et de partage de contenu texte est un parfait exemple de ceux-ci. La communauté de spécialistes et d’amateur de design d’expérience utilisateur est particulièrement étonnante. Même les grands joueurs du milieu comme Adobe et des équipes de création de plusieurs applications connues comme Dropbox y sont actifs, et produisent énormément de textes sur le sujet et leur propre expérience. Sinon, différents outils tel que des groupes de discussions sur Slack, ou des agrégateurs de contenu spécialisés tels que Muzli aident grandement à faire la promotion de différents types d’informations sur le sujet, majoritairement des projets et des portfolios de designers. L’esprit de communauté des acteurs du milieu est toujours très fort, mais l’entraide ressort énormément aussi, comparativement à d’autres sphères du design où cela est plus absent. Des endroits comme Le blogue UX planet sur Medium permettent de présenter un contenu filtré, pertinent et permet à divers auteurs à contribuer fréquemment au site. Aussi, la présence des bâtisseurs et d’influenceurs présents depuis les balbutiements du design d’expérience utilisateur sur les médias sociaux permet beaucoup d’échange sur le sujet, même à un niveau plus théorique. Des blogues comme celui de Jakob Nielsen ou encore de Don Norman sont encore pertinents aujourd’hui.

L’esprit de communauté est donc une force et une volonté très présente dans ce domaine. La création de communautés sur le web, mais aussi de petits groupes plus spécifiques, autant par rapport à un sujet précis ou encore géographiquement accentue l’esprit de groupe et la participation. Je l’ai personnellement expérimenté lorsque j’ai commencé à m’intéresser au sujet, j’ai pu compter sur l’accueil de la communauté de TLMUX, un regroupement de designers montréalais, et le groupe SketchMTL, qui est un groupe de discussion sur Facebook et Slack ayant pour sujet le principal outil utilisé en conception d’interfaces utilisateur. Pour chaque endroit dans le monde, plusieurs associations découlant de l’UXPA organisent un grand nombre d’événements, en personne ou sur le web.

Puisqu’il s’agit d’un domaine provenant de la recherche universitaire, la volonté de diffuser de l’information juste et véridique est également primordiale. C’est donc pour cela qu’il est important que les organismes professionnels demeurent présents dans la discussion sur les médias sociaux afin de conserver la confiance et la crédibilité des textes qui y sont présentés, pas nécessairement en dictant ce qui est vrai ou pas, mais en diffusant eux aussi des sources pertinentes. Pour l’instant, le tout semble fonctionner assez bien et la circulation de l’information est assez fluide.

Par contre, beaucoup de contenu disponible sur le web est commandité par des entreprises afin de pousser leurs produits (Adobe et InVision, entre autres). Même si le contenu, au delà des publicités et des incitatifs à acheter des cours en ligne, est souvent très pertinent, il faudra demeurer vigilance face à la multiplication de ce genre de source et surtout à la place qu’elles prendront dans la discussion sur le web.

Et le futur, lui?

Le domaine de l’expérience utilisateur est un milieu en ébullition: il est très tendance, sur toutes les lèvres des gourous de la technologie et lancé ici et là comme la situation à chaque problème. L’avenir est numérique, et l’expérience utilisateur en fait partie prenante. La place au progrès, aux nouvelles technologies et aux nouvelles plateformes de diffusion est quelque chose de naturel pour cette discipline.

Un des défis que l’avenir apporte et la multiplication des sources de contenu: des entreprises, des sites de référencement d’emplois, des blogueurs, un peu tout le monde mets son grain de sel sur différents sujets afin d’attirer l’attention des lecteurs et de recueillir le plus de clics vers leurs pages, en provenance de leurs différentes comptes sur les réseaux sociaux. Cette abondance de contenus, plus ou moins filtrés et surtout à la fiabilité très variable peut être une source potentielle de dangers. La légitimation des sources demeurera donc un enjeu pour la prochaine année, et même au-delà.

L’aspect de collaboration et de communauté qui teinte le domaine depuis sa création continuera de le faire dans un horizon à moyen terme. Les acteurs du design d’expérience utilisateur continueront de se rassembler et de partager leurs connaissances et leurs expériences lors de la conception de leurs projets. Avec l’implantation de la méthode de gestion de projet Agile, de la méthode Scrum ou encore du développement en Lean UX dans de plus en plus d’entreprises aidera à accentuer la tendance collaborative qui est déjà présente dans le milieu d’affaire de la technologie. En plus de l’implantation de ces méthodes de gestion, un bon nombre d’entreprises de tout genre, comme les banques ou encore les compagnies d’assurances, intègrent des départements d’expérience client. Pour l’instant, ces départements sont concentrés autour des applications mobiles de ces entreprises et des services qui en découlent. Mais beaucoup d’autres types d’entreprises autres que celles nommées gagneraient à intégrer l’expérience utilisateur à leurs opérations, et ce pas seulement en rapport avec les applications mobiles ou les sites web qu’elles développement. La vision plus générale de l’expérience utilisateur ainsi que son incorporation aux activités courantes des entreprises de tout domaine est un segment d’avenir pour la discipline, en plus d’aider à sa visibilité et à sa reconnaissance. Autre moyen d’aider à la reconnaissance du domaine, l’intégration de l’expérience client et/ou utilisateur dans les processus et les stratégies de marketing relationnel permettent l’atteinte d’objectifs plutôt monétaires, mais tout aussi importants pour les entreprises qui l’utilisent. Un défi sera de trouver un équilibre entre les buts mercantiles et le bien-être des utilisateurs.

Un défi additionnel sera l’avancement de la technologie, qui se fait à une vitesse vertigineuse. L’intégration de l’intelligence artificielle à la vie courante apporte son lot de défis technologiques et idéologiques à la science de l’expérience utilisateur, sera sans doute un enjeu important pour les 5 prochaines années. Les ordinateurs qui nous entourent utiliseront des algorithmes qui permettront d’effectuer de l’apprentissage automatique (machine learning) ou encore de l’apprentissage profond (deep learning). L’apprentissage de ces machines face à l’interaction avec les utilisateurs pourrait changer drastiquement des principes de base de l’expérience utilisateur. C’est donc pour cela que l’avancement de ce domaine doit continuer de se faire de manière plus scientifique, via des centres de recherche spécialisés. Cependant, puisque beaucoup de problèmes éthiques peuvent se présenter face à l’utilisation de l’intelligence artificielle, il serait pertinent de réaliser ce débat en prenant compte du pouls de la communauté d’acteurs du milieu, puisque cet aspect est important et continuera de l’être. Face à la place grandissante de la technologie dans la vie de tous les jours ainsi qu’à la connexion constante des gens avec leurs sans-fils, la place de la technologie pourrait être portée à changer dans l’avenir. Plusieurs enjeux de santé publique tournent autour de l’utilisation des appareils électroniques et leur impact de plus en plus évident sur la santé des utilisateurs, comme l’exposition à la lumière bleue des écrans ou encore à l’attention portée à la vie numérique, aux alertes et aux textos. Car puisqu’en plus d’avoir des impacts sur notre quotidien, il devient de plus en plus difficile de l’imaginer sans appareil. Il sera donc toujours aussi pertinent d’inclure des points de vue de scientifiques et d’auteurs de domaines connexes à l’expérience utilisateur, comme la psychologie par exemple afin de mieux mesurer les impacts de la technologie sur les utilisateurs.

Un autre changement qui pourrait affecter le domaine de l’expérience utilisateur : les prochaines générations grandissent avec le numérique, et ils sont à l’aise avec la plupart de concepts présentés, et ce à un très jeune âge. Ils n’ont pas nécessairement besoin d’explications et de mise en contexte pour se retrouver dans un environnement numérique, contrairement aux générations précédentes. Cette facilité déconcertante qu’ils ont pourrait bousculer les bases des théories de l’expérience utilisateur, mais également à les pousser à un niveau jamais égaler, car auparavant, ceux qui concevaient des environnements numériques devaient toujours prendre pour acquis que certains utilisateurs n’ont jamais utilisé l’outil en question, et se doivent d’être totalement clair et simple pour ces derniers. Cette limitation enfin retirée pourrait permettre une extrapolation des innovations proposées par le domaine, et donc libérer le plein potentiel des applications et sites web qui seront conçus dans les 5 prochaines années. Cette nouvelle génération porte un œil nouveau sur tout ce qui est numérique, et a une relation totalement différente avec ce domaine. Cette nouvelle vision donnera le ton aux innovations techniques et technologiques de demain qui façonneront le monde numérique des prochaines décennies, et qui changeront directement le quotidien de millier de personnes tout autour du globe.

Finalement, le fait d’extrapoler l’avancement de l’expérience utilisateur au-delà de vingt ans s’aligne plus avec la science-fiction qu’avec la réalité. La technologie avance rapidement, tellement qu’il est difficile de prévoir les prochaines innovations que les grandes entreprises, ou même les start-ups qui les remplaceront, révolutionneront notre quotidien à ce moment-là. Il nous reste à espérer que les concepteurs de ces innovations auront fait leurs devoirs, et que leurs produits intégreront dans leur conception des notions d’expérience utilisateur, mais aussi des études afin de les adapter aux besoins et habitudes de ces derniers.

Bibliographie et autres articles intéressants

Jacob Nielsen – A 100-Year View of User Experience

Christopher Murphy – The Evolution Of User Experience Design

Leah Buley – Where UX Comes From

Le blogue UX planet sur Medium

UX Collective – AI and the future of UX